La photolithographie ou photocéramique, ou encore photoémaillage
« Le coup de fouet, donné par Arago à l'aube de 1839, eut pour effet de faire surgir de tous les coins du monde des noms nouveaux, des gens qui pensaient avoir quelque chose de nouveau à présenter et qui, dans leur esprit, devait être nécessairement différent de ce que proposait Daguerre. Parmi ceux-ci, quatre seulement avaient des solutions vraiment originales. Toutes, pourtant, ont été abandonnées (ou oubliées). Pourtant l'idée doit faire son chemin, plus ou moins vite, et l'on ne devrait pas tellement s'étonner de savoir qu'un futur procédé révolutionnaire a ses racines profondes du côté de 1839. L'extension au procédé de Ponton semblent indiquer la tendance, mais dans cette étude, j'ai simplement voulu lire la presse de 1839... c'est ce que l'on ne trouve pas dans les manuels d'histoire de la photographie.
Le peu que nous en avons dit n'est probablement rien à côté de ce qui a été oublié.
Le 25 mai 1839, les membres de la "Society of Arts of Scotland" se réunissaient pour écouter l'un des leurs présenter "une méthode simple et bon marché de préparation d'un papier pour les besoins photographiques". L'auteur en était un Anglais du nom de Mungo Ponton, qui offrait enfin quelque chose d'inédit, d'imprévu aussi, parce que toutes les oreilles, en ce printemps de 1839, étaient pleines de noms chimiques où les sels d'argent occupaient une place impériale...
Mungo Ponton avait constaté depuis un certain temps un fait surprenant : la photo sensibilité des sels de chrome . Sa méthode était étonnamment simple : il trempait un papier dans une solution saturée de bichromate de potassium et séchait au feu. Dans cet état, la feuille apparaissait d'une teinte générale jaune clair. Il soumettait alors sa feuille à la lumière et elle virait à l'orange foncé. De la sorte, il put décalquer des feuilles d'arbres, des motifs de dentelle, ou tout autre objet plan au contact de son papier. Le fixage était encore plus simple : un simple lavage à l'eau pure suffisait à éliminer les parties qui n'avaient pas réagi, laissant une image orangée sur fond blanc.
Cette proposition est intéressante à plus d'un titre et cela bien que les résultats aient été inférieurs à ceux obtenus, sur le plan de la qualité et surtout de la sensibilité, par Daguerre et Talbot. Il n'en reste pas moins que ce que Mungo Ponton pressentait dans sa communication du 25 mai devait se réaliser quelques années plus tard : les sels de chrome utilisés de cette manière avaient la propriété d'insolubiliser les colloïdes tels que la colle, la gélatine, la gomme arabique. Sa méthode devait ouvrir la voie à tout une série de procédés de reproduction photomécanique et autres, procédés artistiques au charbon par exemple. Si lui-même ne put rien réaliser de ce genre, il en fut plus que l'initiateur, puisqu'il en avait entrevu l'extension future "en aidant aux opérations du lithographe" dit-il . »

Gaston Poitevin (portait ci-contre), préoccupé par le problème de la reproduction d'une image en grand nombre a mis au point la photolithographie qui a permis pendant tout le début du XX° siècle de produire des quantités énormes de cartes postales. C'était l'une des applications des propriétés de la gélatine bichromatée.

 

Autres chercheurs infatigables, Geymet ou Lafon de Camarsac ont utilisé cette technique de la gélatine bichromatée pour réaliser des photographies sur porcelaine, rendant ainsi des portraits absolument inaltérables.

 

Geymet a publié plusieurs livres sur le sujet, alors que Lafon de Camarsac a déposé un brevet en 1857.

Mais aucune autre application de cette technique ne fut développée, et jusqu'à aujourd'hui, plusieurs entreprises en France, continuent de produire ce type d'objets, et les diffusent par tout un réseau de pompes funèbres et de fleuristes.

 

La technique même que nous allons exposer simplement empêche toute réalisation de grande taille.

Gaston Poitevin
Une gélatine liquide est additionnée de 3 à 5% de bichromate de potassium, puis étendue sur une glace, et mise à sécher à l'abri de la lumière.
Insolée sous un rayonnement ultra violet (soleil ou lampe UV) à travers un film diapositif en noir et blanc, comme vous avez pu le lire plus haut, les parties largement insolées deviennent imperméables, les autres vont être solubles de manière inversement proportionnelle à la quantité de rayons ultra violets reçue.
 
L'idée géniale de Geymet et de Lafon de Carmasac fut d'avoir incorporé à la préparation un peu de sucre, voire de miel.
 
Ces deux matières, hydrophiles, vont permettre, après que l'opérateur ait soufflé sur la surface insolée une haleine chaude et humide, de déposer avec un pinceau putois trempé dans du pigment céramique, la poudre colorante qui va être d'autant plus fixée par la gélatine que celle-ci aura été moins insolée.
Au bout de quelques instants de cette pratique, l'image apparaît à la surface. Un époussetage très délicat permet d'éliminer l'éventuel excès de pigment.
Commence alors une opération périlleuse : dans une cuvette d'eau tiède, on provoque le décollement de la gélatine de son support de verre, on la retourne pour la déposer sur le médaillon de porcelaine, afin que le pigment céramique soit en contact direct avec la surface vitrifiée du médaillon.
Sans ce retournement, la cuisson de la gélatine provoquerait l'ébullition de la surface, donc la destruction de l'image.
On imagine le nombre de pellicules déchirées car très fragiles, et on voit là la limite de taille qui dépasse rarement une dizaine de centimètres.
Le résultat est monochrome, surligné d'un filet doré le plus souvent.
Parfois une colorisation très adroite, équivalente à celle pratiquée par les premiers photographes qui étaient en général d'habiles peintres, donne un résultat proche de la quadrichromie.
medaillon mortuaire
medaillon mortuaire
Dans les années soixante, Kodak a mis au point un polymère photosensible permettant d'obtenir le même résultat, mais sans retournement d'une fragile pellicule, son produit, le Cermifax, une fois couché sur le support, faisant moins de 4 millièmes de millimètres.

 

Certains fabricants de médaillons mortuaires utilisèrent ce procédé nouveau, qui ne décolla jamais vraiment tant la mise en œuvre du Cermifax était complexe, le produit très couteux, et il nécessitait à la fois des compétences céramiques et photographiques.

 

Dans les années 80, j'ai travaillé sur ce procédé, et reprenant les brevets de Kodak, j'ai pu, avec l'aide du laboratoire de chimie organique de la Faculté des sciences de Reims, développer le procédé.

C'est d'ailleurs au cours de la recherche de négatifs de grand format sur plaques de verre que j'ai eu l'occasion et découvrir et de sauver le fonds Poyet dont j'ai largement utilisé les images pour des décors dans le milieu du Champagne. La plus grande image réalisée sur carreaux de 20x20 cm est au Musée de la Vigne et du Vin au Mesnil sur Oger : deux mètres sur deux mètres quarante !

don perignon    

 

photoémaillage, francis dumelié
 
 
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