H istoire de la photographie. La photgraphie en couleur et les frères Lumière

A ssez peu de gens savent que la photographie en couleur est très ancienne et encore moins qu’un richissime banquier, Albert Kahn, constitua une fabuleuse collection de plaques autochromes, inventées et commercialisées par les frère Lumière, en tentant de faire une sorte d’inventaire photographique du monde, au début du XX° siècle.


Lorsque Arago présenta en 1839, devant les Académies des sciences et des beaux arts, le procédé de Daguerre, il évoqua le problème de la couleur : « ...arrivera-t-on à reproduire les couleurs ? M. Daguerre ne le pense pas. Cependant, dire que la chose est impossible, ce serait trop se hâter de conclure... »


Les recherches seront actives, mais à cette époque, le socle des connaissances en physique et en chimie a besoin de s’enrichir de nouveaux savoirs.. Il était en effet impossible de concevoir un dispositif photographique d’enregistrement des couleurs sans connaître la nature de la lumière ni disposer des premiers éléments de compréhension concernant le mélange et la restitution des couleurs, qu’ il s’agisse du rayonnement lumineux ou des matières colorées.

C’est en 1891 que Gabriel Lipmann, responsable de la chaire de Physique à la Sorbonne met en place un procédé de reproduction directe des couleurs très complexe à mettre en oeuvre. L’effet coloré apparaît en regardant la plaque sous une incidence particulière. Il s’agit d ’un procédé dit « direct » exploitant les ondes stationnaires émises par la lumière à travers la plaque.

En 1802, le physiologiste anglais Thomas Young met en évidence le dispositif trichrome de la vision, par l’analyse des cellules qui tapissent la rétine et dont la sensibilité chromatique se situe dans les régions bleues, vertes et rouges du spectre lumineux.

Les imprimeurs avaient déjà tenté des reconstitutions de couleurs en utilisant des encres de ces trois nuances.

C’était le RVB avant l’heure !


« Jeune homme » de G. Lipmann, vers 1910

C’est en 1861 que le physicien anglais Maxwell réalise la première projection de photographie trichrome devant la Royal Society d’Angleterre.
Il révèle que si le nombre des couleurs nous semble illimité, elles peuvent toutes se ramener à trois couleurs fondamentales dont les combinaisons infiniment 
variées sont susceptibles de produire toutes les nuances possibles. Il prend ainsi trois images à travers les trois filtres Rouge, Vert et Bleu, images en noir 
et blanc qui seront projetées à travers ces mêmes trois filtres sur un écran.

A droite, l’appareil mis au point pour cette technique : le mélanochromoscopemelanochromoscope

                                                                                 

Séparation trichrome positive obtenue avec un appareil similaire au mélanochromoscope de la page précédente. Les trois diapositives étaient projetées
à l’aide de trois projecteurs munis de filtres bleu, rouge et vert qui restituaient ainsi sur un écran l’image en couleurs, récrée ici par traitement numérique.
Deux inventeurs, Charles Cros et Louis Ducos de Hauron vont pratiquement en même temps inventer des procédés de superposition de films trichromes
positifs restituant une impression colorée très imparfaite, et bien sûr, ces techniques restent très difficiles à mettre en œuvre, sans aucun avenir à caractère populaire !

Composition, trichromie sur papier obtenue par transfert de colorants : Charles Cros, fin du XIX°s

En 1917, Henri Bouasse, professeur à l’Université de Toulouse dénonce ainsi les déficiences de la méthode trichrome en ces termes :


« Ce procédé et des procédés analogues sont utilisables parce que l’oeil est extraordinairement facile à contenter. Pourvu qu’on lui montre le la couleur, il s’inquiète peu de savoir le degré de concordance entre le modèle et l’original. C’est chatoyant, c’est amusant : que veux-t-on de plus ? Les roses sont violettes, les citrons orangés, les oranges sont couleur de citron : nous en sommes quittes pour croire que les oranges n’étaient pas mûres, que les citrons sont d’une espèce à ce jour inconnue et que les roses méritent pour leurs couleurs un grand prix à l’exposition. Mais reproduisez un tableau dont l’original soit facilement accessible ; on s’apercevra alors de l’inexactitude du procédé »

E t voilà les frères Lumière...
Plusieurs procédés vont essayer de se développer de manière concurrentielle, et les frères Lumières, déjà producteurs industriels de plaques de verres négatives
vont commercialiser des produits issus des travaux des inventeurs déjà nommés précédemment., sans atteindre un réel succès commercial.
Dans le secret de leur laboratoire, ils vont mettre au point un procédé totalement révolutionnaire, alliant la qualité à la facilité d’emploi, et surtout la possibilité 
pour ces produits d’atteindre une production industrielle. Ce sont les « Autochromes »
                              autochrome
                     Auto portrait de Edouard Blanc, vers 1907. C’est l’ingénieur chimiste qui avec les frères Lumière mettra au point la technique de l’autochrome
L’idée géniale des frères Lumière tient dans l’utilisation de grains de fécule de pomme de terre d’une taille précise, autour de 15 microns, ce qui suppose 
une sélection car la taille des grains varie de 5 à 100 microns. Ce sont ces grains qui deviendront le support des trois colorants utilisés. Là encore, des années 
de travail leur permettront d’arriver à une qualité optimum.
                                       
                                 L’image négative obtenue sur l’émulsion argentique est rendue positive par un traitement adéquat et la vision en transparence
                                 à travers la plaque de verre donne l’aspect de l’exemple présenté ci-dessus

                                                                         

                                                              Cahier de laboratoire des frères Lumières décrivant la fabrication des autochromes, datant de 1929
Sur le marché de la photographie en couleurs, l’autochrome tient une position dominante pendant plus de 25 ans. Inchangée jusqu’en 1931,
elle passera au support souple (Filmcolor) puis en bobine. Les films chromogéniques soustractifs (procédés couleurs argentiques actuels),
comme les Kodachrome (1935) et les Agfacolor (1936), remplacent progressivement après guerre les réseaux additifs. La production des 
autochromes cessera vers 1955. Il n’en reste pas moins que sa longévité reste exceptionnelle dans l’histoire des techniques photographiques.
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