- Les
cartes postales illustrées.
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Article
écrit par Monsieur A.Pérès dans le
numéro
992 du 30 janvier 1904 de la revue Le Cosmos.
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- Cette
nouvelle réglementation française n'étant guère
moins "chinoise" que l'ancienne, nous engageons vivement
les intéressés à s'en pénétrer,
en se faisant assister par un homme de loi habile à
débrouiller les textes les
plus complexes. S'ils arrivent à bien saisir les intentions
de l'administration, ils auront ce premier avantage qu'ils seront
plus instruits sur la matière que les agents des postes,
car chaque bureau, aujourd'hui, a
son interprétation.
- Le
nombre des amateurs de ces jolies illustrations s'accroît de
jour en jour ; il n'y a pas lieu de s'en étonner car la
collection de ces spécimens d'un art spécial offre un
réel intérêt ; mais il y a, croyons-nous,
une autre raison à cette
épidémie cartophile. C'est que l'érudition
nécessaire au collectionneur "grave" n'est pas ici
de rigueur et qu'il suffit d'être tout simplement curieux,
patient, ordonné, pour réussir à grouper
une belle et intéressante
collection de cartes postales illustrées.
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Est-ce
aussi parce que ces qualités sont plus communes chez les
dames - la curiosité, à coup sûr ! - que les
collectionneuses sont plus nombreuses que les collectionneurs qui se
font des échanges fréquents de
cartons illustrés ?
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Quoi
qu'il en soit, nous sommes persuadés que la vogue de cette
collection ne sera pas éphémère. La carte
illustrée est à la portée de toutes les
bourses, se prête aux goûts des divers âges, sait
profiter des
événements du jour ; l'usage peut en être
précieux : il resserre nos relations d'amitié, il nous
en crée de nouvelles, sympathiques et agréables. Un
bel album de cartes postales a sa place marquée sur
la table de chaque salon ; on
prend plaisir à feuilleter ses diverses pages ayant chacune
un cachet qui leur est propre.
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Les
cartophiles ont beaucoup d'ennemis. Les personnes qui s'acharnent à
décrier simplement la valeur des cartes postales illustrées
sont les moins dangereux. Mais les employés de la poste
qu'ennuie le
surcroît de travail que donne dans leurs bureaux
l'encombrement des cartes illustrées, et qui traitent
celle-ci avec mépris et négligence…à moins
que, peu délicats, ils ne s'emparent des spécimens
qui leur plaisent ; mais les
concierges ! Peut-on savoir combien ces deux catégories
d'intermédiaires obligatoires font perdre de souvenirs d'amis
absents, de vues de pays pittoresques ?…
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L'origine des cartes postales
illustrées n'est pas très ancienne ; ce n'est guère
que vers 1889 que les premières ont été connues
en Suisse et en Allemagne, et, jusqu'en 1898, aucune carte postale
illustrée
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n'était de fabrication
française. Ce fut le journal le Pèle
Mêle qui combla cette lacune en créant
une série de cartes consacrées aux vues de Paris,
exécutées par nos meilleurs aquarellistes.
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La
première carte de cette série, que tous les
collectionneurs voudraient avoir, représentait la Place de la
Concorde : au premier plan, deux élégantes et
gracieuses Parisiennes ; à droite une fontaine et
dans le fond, derrière
l'obélisque, la ligne sévère des bâtiments
du ministère de la Marine, et du cercle de la Rue Royale ;
dans le lointain, la Madeleine ; le tout d'un effet délicieux
et constituant un charmant tableau.
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Depuis,
l'industrie des cartes postales illustrées a pris une telle
importance dans notre pays, que le sous-secrétaire d'Etat aux
postes et télégraphes a dû faire signer un
décret qui l'autorise à timbrer pour le
compte des particuliers les cartes postales illustrées.
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Ce
timbrage, disons-le en passant, est fait gratuitement par
l'administration des postes quand les cartes lui sont fournies par
les éditeurs, toutes prêtes à recevoir le timbre
de 10 centimes. De
plus, cette administration fait des remises importantes pour les
grandes quantités.
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On
trouve des cartes illustrées de tous les genres et pour tous
les goûts. L'excès même est à redouter et
menace de devenir sous peu un défaut. Les vitrines des
papeteries et des librairies sont, en effet, entièrement
recouvertes, plus souvent que de chefs d'œuvre, de ces cartes dites
exentriques : cartes automatiques, cartes à musique, cartes à
métamorphoses, cartes coligraphiques, cartes dansantes,
cartes à transformations,
cartes à oracle,cartes électriques, mécaniques,
etc…
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D'ailleurs,
les cartophiles sont légion, ils commencent à se
grouper et à imposer leurs lois.Ils se syndiquent, suivant la
formule moderne, pour défendre leurs intérêts.
N'ont-ils pas déjà leur club, à Paris, le
"Cartophile-Club" dont les publications portent l'original
frontispice que nous reproduisons. Ce
Club n'a-t-il pas son organe, le "Philocartiste" , terme
qui indique nettement son but, si irrégulière qu'en
soit l'étymologie ? La corporation a bien raison de se
défendre, car son champ d'exploitation est immense.
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Au
début, la lithographie ou la gravure sur bois étaient
surtout utilisées pour reproduire sur cartes postales les
dessins dus à l'imagination des artistes ; aujourd'hui, la
photographie sert presque toujours à les obtenir.
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On
emploie concurremment la photogravure, les procédés
phototypiques et la photographie rotative au gélatino-bromure
d'argent. Le dernier cri est l'échange de cartes originales
faites à la main.
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Ceux
qui manient facilement le crayon ou qui possèdent du talent
pour la peinture, reproduisent de délicieux dessins,
d'admirables aquarelles, ils en créent même d'inédits
; on vend des cartes préparées pour cet usage.
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Une
collection de pareilles cartes aurait l'avantage d'être unique
de son espèce, et pourrait avoir un prix réel. A
défaut de talent, beaucoup de photographes amateurs utilisent
leurs clichés au tirage de
cartes absolument inédites.
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La
plupart des fabricants de papier sensible fabriquent aussi des
cartes postales toutes sensibilisées. Telles sont les cartes
Marion au ferro-prussiate, Lumière au citrate, Guilleminot au
lactate, Tambour
au gélatino-citrate, etc. Les pochettes contenant ces cartes
postales renferment leur mode d'emploi. Les cartes commerciales ont
l'avantage de rester planes, quand on a soin de les
sécher entre deux buvards,
et de donner des tons se rapprochant de ceux de la phototypie.
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A
quelles conditions les cartes postales illustrées sont-elles
admises à circuler dans le service des Postes ? Le
Journal officiel a publié, le 20 novembre dernier, un arrêté
ministériel qui introduit certaines modifications
importantes dans la réglementation assez "chinoise"
applicable jusqu'ici, et la codifie pour la France,
en attendant que le Congrès
de Rome applique au régime international les réformes
réclamées depuis si longtemps.
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A voir aussi :
Autre article sur la carte postale de 1908
-
Jean Poyet et la
carte postale
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