Histoire de la photographie.

Nous resterons avec Daguerre et surtout avec quelques uns des innombrables chercheurs qui ont enrichi et perfectionné son procédé avant qu'il ne soit totalement abandonné au bénéfice du négatif sur verre…

Revenons un instant sur cette remarquable découverte et résumons la ainsi : une plaque de cuivre dont une face est argentée est soumise à des vapeurs d'iode qui se combinent à l'argent de la surface pour former une infime couche d'iodure d'argent, sel sensible à la lumière, qui provoque son noircissement.

Mise en place dans la chambre photographique, l'objectif est ouvert, et la lumière réfléchie par tous les objets en face de cet objectif atteint la surface sensible d'iodure d'argent. Abandonnée au jour, cette plaque va rapidement noircir, faisant apparaître une image fugace et négative, faute d'un fixage efficace qui empêchera l'évolution de la surface insolée.

L'idée absolument géniale de Daguerre a été de soumettre la surface insolée à des vapeurs de mercure. Il se trouve que les gouttelettes microscopiques du mercure se condensent de préférence aux places les plus éclairées, et, si l'on regarde la plaque de telle façon que les endroits restés polis reflètent une surface sombre, alors les endroits mats recouverts de gouttelettes de mercure semblent clairs, les autres obscurs ; on obtient ainsi immédiatement un positif.

Comment donc Daguerre eut-il cette idée ?

C'est dans un vieux traité de chimie édité en 1913 chez Gauthier-Villars que j'ai trouvé la réponse apparemment inconnue par tous les livres traitant de l'histoire de la photographie que j'ai pu consulter, mais cependant évoquée dans l'article de Wikipedia consacré à Daguerre…


…" Il est instructif de connaître l'histoire de la découverte de ce procédé. Daguerre avait d'abord cherché à utiliser directement le noircissement de l'iodure d'argent à la lumière, et il avait dirigé ses recherches vers la préparation d'une couche assez sensible pour que le noircissement s'y fasse le plus vite possible.
Il avait une fois commencé à prendre une vue, mais fut obligé d'abandonner son travail, et comme la plaque n'avait pas encore noirci, il la crut bonne pour une nouvelle expérience et la mis à cet effet dans une armoire obscure.
Le lendemain, il trouva l'image sur la plaque. Il s'aperçut bientôt qu'une image se produisait chaque fois qu'une plaque éclairée un instant était mise dans l'armoire, mais ne savait pas lequel des objets placés dans cette armoire produisait cet effet.
Il éloigna ces objets l'un après l'autre, mais obtenait toujours des images, même une fois l'armoire entièrement vidée. D'autres armoires, dans les mêmes conditions, ne fournissaient pas d'image.
Finalement, il découvrit quelques gouttes de mercure dans les joints du bois, et une expérience de vérification lui fit voir que l'image se développait lorsqu'on maintenait la plaque au-dessus de mercure métallique. "
Comme beaucoup de découvertes, dont en particulier celle de la Pénicilline par Fleming, plus de cent ans plus tard, le hasard joue un rôle capital, mais seule une attitude parfaitement scientifique et éminemment intelligente permet à ces grand " découvreurs " de voir ce qui aurait échappé à tout autre… C'est bien le cas de Daguerre pour cette découverte du rôle du mercure.
 
Lorsque le mercure a agit, encore faut-il arrêter le noircissement de l'iodure d'argent sous l'effet de la lumière. C'est alors qu'intervient le fixage : la surface de la plaque est traitée par une solution concentrée de sel de cuisine (chlorure de sodium) ou par une solution d'hyposulfite de soude.
 
En 1840, Monsieur Fizeau met au point un renforcement de l'image au moment du fixage en ajoutant à la solution d'hyposulfite de soude une solution de chlorure d'or.
 
C'est le premier progrès réel sur la méthode de Daguerre qui permet d'obtenir des images plus contrastée.
Après un lavage soigneux à l'eau distillée, la surface de l'image est séchée, et immédiatement mise sous verre, car le moindre contact abîmerait l'épreuve.
 
Le progrès le plus important qui suivit celui-là fut l'utilisation, en 1842 de substances sensibilisatrices mises au point par le sus-cité Monsieur Fizeau, ainsi que M. Gaudin qui publièrent ensemble le résultat de leurs travaux en mai 1842.
L'utilisation de l'iodure de brome en complément de l'iodure d'argent allait faire passer les temps d'exposition de plusieurs minutes à une fraction de seconde.
   


En 1841, nous sommes sous la Monarchie de Juillet, et Louis Philippe règne sur la France. Paris s'apprête à s'entourer de fortifications.
La presse écrite est dans une période faste, et presque par hasard, nous avons trouvé dans le N° 20 du 14 novembre 1841 du Journal des artistes qui se définit comme : " revue pittoresque consacrée aux artistes et aux gens du monde ", un article particulièrement " vachard " sur M. Gaudin dont il est question plus haut, comme on n'oserait plus en écrire de nos jours sans déclancher une procédure judiciaire. Jugez plutôt …
" Quand Monsieur Daguerre eut annoncé sa merveilleuse découverte, bien des mois s'écoulèrent avant que revenu de son admiration, on se crût permis de faire plus que le maître et d'apporter à son œuvre des perfectionnements, des améliorations. Parmi ceux qui prétendent avoir contribué le plus puissamment à ces rapides progrès, figure en première ligne M. Gaudin, dont le nom a si souvent retenti à l'académie. En suivant ses indications pour utiliser le chlorure d'iode, nous n'avons réussi qu'à voiler des plaques. Ah ! M. Gaudin, que vous nous avez fait perdre de temps, sans compter celui que nous perdons en ce moment à parler de vous ! Oh ! mais tout cela n'est rien. M. Gaudin infatigable dans ses recherches (tant le succès donne de courage) vient d'annoncer à l'académie qu'il a su composer une substance encore plus sensible que toutes celles connues jusqu'à ce jour qui permet des expositions de ¼ de seconde.
Mais en parlant de quart de seconde, nous n'avons pas dit tout ce que peut faire M. Gaudin. Dans les comptes rendus, il déclare faire une épreuve en un dix neuvième de seconde. Cette fraction singulière implique l'obligation d'avoir un moyen exact de mesurer un temps si court. Car si ce n'est qu'approximation, autant valait dire un quinzième ou un vingtième de seconde, un nombre rond, enfin.
Monsieur Gaudin dit que c'est tout simplement un drap (invention dont il revendique l'honneur) qu'il soulève et abaisse aussitôt, c'est ainsi qu'il mesure le temps à un deux cent quatre vingtième de seconde près, car telle est la petite différence qui existe entre un dix neuvième et un vingtième de seconde.
Il est clair que ce sont là des expériences et des annonces faites sans réflexion, et ce qui nous étonne le plus, c'est qu'en présentant de
pareilles choses à l'académie, on ne rencontre personne pour faire une objection, pour signaler une absurdité qui ressort de l'annonce même. " C'est signé Léon L.
   

Mais la " folie daguerrienne " s'est emparée de Paris malgré le coût et l'encombrement de l'équipement. Ce procédé n'est pourtant pas exceptionnel : la surface (plaque rarement supérieure à 16x21 cm dite " pleine plaque "), miroitement excessif dû au cuivre, lourdeur de celle-ci, fragile car se rayant ou s'oxydant rapidement, long temps de pause. Ce dernier problème ne permet pas la réalisation de portraits " naturels ". Les visages sont figés, hagards Le temps, l'atmosphère, le moment de la journée, la qualité de la préparation des plaques sont autant de paramètres qui rendent difficile la maîtrise du daguerréotype. Il faut à midi en plein été, 10 à 120 minutes de pose en 1838, 8 à 12 en 1839, (en hivers 1839/1840). Les différentes découvertes permettent de réaliser un temps de pose en dessous des 10 secondes à partir de 1840/1841.

 

L'exploitation commerciale du daguerréotype peut dès lors prendre son essor. Des ateliers de photographie voient le jour aux Etats-Unis dès 1840, puis à Paris et à Londres. Arago présente des portraits réalisés en 10 à 12 secondes en juin 1841. Il faut alors une chaise spéciale, équipée d'un appui-tête pour faire des portraits en plein soleil, sous des verrières au sommet des immeubles. Un supplice à l'époque. En 1841, il existe une dizaine d'ateliers autour du Louvre. En 1842, des ateliers ouvrent à Strasbourg, Marseille, Lyon. Alors qu'en Angleterre l'implantation du daguerréotype est freinée par le monopole de Richard Beard (qui a racheté les droits du procédé à Daguerre en 1841, car curieusement, Daguerre étant au courant des recherches de Talbot, avait protégé son invention par un brevet, alors qu'en France, comme nous l'avons vu, achetée par l'Etat, elle est dans le domaine public.), en 1850 Londres ne compte que six ou sept ateliers contre une cinquantaine à Paris.

 

Aux Etats-Unis, pays naissant sans traditions artistiques, l'essor du daguerréotype est important. Albert Southworth et Josiah Hawes ouvrent à Boston en 1843 leur " Artist 's Daguerrotype Rooms ". Ils maîtrisent l'art du portrait, notamment d'enfants. Le daguerréotype voit son domaine d'application étendu à l'architecture, à la science (avec des photographies microscopiques dès 1839-1840), à l'ethnologie, à l'astronomie. C'est la précision du daguerréotype qui fait son essor.


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