Les vacances de Jean Poyet

Lorsque Jean Poyet s'installe à Epernay, Il n'est pas riche, c'est le moins qu'on puisse dire. Jusqu'alors opérateur chez Bencque à Paris, il n'a aucune économie, et ses premiers meubles seront des caisses.

Marie Thérèse Peltier, qui travailla chez Poyet de 1947 jusqu'au décès de ce dernier en 1956 nous confiait avec humour que son employeur était tellement économe qu'il se levait à 5 h du matin pour allumer la chaudière du chauffage central, et l'éteignait chaque soir à la fermeture du magasin, si bien qu'en hiver, ses employés grelottaient une grande partie de la journée et ne se trouvaient dans une atmosphère convenable qu'au moment de la fermeture...

Malgré ces débuts difficiles, dès 1906, Jean Poyet peut emmener sa famille en vacances, et jusqu'à la guerre de 1914, comme toute la bonne société de l'époque, il séjourne sur la côte normande.

Et bien sûr, son appareil le suit partout. Alors qu'il restera fidèle aux négatifs sur plaques de verre jusqu'à ce que cesse leur commercialisation, il utilise dès 1906 des appareils à films souples pour ses déplacements.

Ces quelques pages vont donner un témoignage qui ne peut que faire penser aux merveilleuses photos de Jacques Henri Lartigue, qui sur ces plages fit ses premières images à peu près à la même époque. Il eut son premier appareil enfant, et pourquoi ne pas imaginer que Poyet, de 24 ans son aîné, ait croisé le futur grand photographe de 12 ans, cette année 1906, sur la plage de Veules les Roses?

Lartigue écrivait : "Je ne suis pas photographe écrivain peintre, je suis empailleur des choses que la vie m'offre en passant". La formule ne s'applique-t-elle pas à notre photographe sparnacien ?

Vous pourrez trouver en suivant ce lien l'article que j'avais écrit pour le journal l'Union sur ces fameuses vacances, mais voyez donc en vrac, un recueil de ces photographies... Vous y reconnaîtrez les enfants de Jean Poyet, Marguerite et Fernand, son frère Louis y apparait aussi avec son épouse, mais aussi, des gens inconnus à qui il a tiré le portrait, sans doute les gens chez qui il logeait, car s'il a connu une certaine aisance, elle n'était pas suffisante pour passer ses vacances dans l'un de ces superbes hôtel de la côte normande...

Une mention particulière cependant, pour cette photographie :

Cayeux, 1908.

L'image, bien que très belle pourrait paraître presque banale...
Cette embarcation qui ne fait rien d'autre que d'aller au travail est de nos jours devenue un monument historique !
Il s'agit du Benoît- Champy, canot de sauvetage à voiles et à avirons, construit en teck, un bois très dense et surtout imputrescible. Sa construction fait de lui une embarcation insubmersible, auto redressable et à auto vidage spontané. Il est alors au service de la société centrale de sauvetage des naufragés de Cayeux sur Mer.
C'est Napoléon III qui a créé le 17 novembre 1865, par décret impérial, la SCSN. Sa vocation est de porter secours aux naufragés. En 1874, la station de sauvetage de Cayeux est crée. Elle est dotée en 1875 du canot Amiral Courbet qui servira jusqu'en 1901.
Le Benoit Champy qui lui succède est représentatif de la seconde génération des canots de sauvetage . Il a été conçu pour intervenir dans les mers les plus fortes.
Douze hommes sont nécessaires pour son armement, et douze chevaux pour sa mise à l'eau. On voit en revanche sur notre photo prise par Jean Poyet en 1908 que quatre seulement sont nécessaires pour le déplacer à terre. Notons les cordes pendant du bordé pour permettre aux naufragés de s'accrocher, et les roues très larges, en bois cerclées de fer, pour ne pas s'enfoncer dans les galets ou le sable.
Il servira jusqu'en 1957, année qui voit la fermeture de la station de sauvetage de Cayeux.
Vendu au centre de voile des Glénans, il navigue de compagnie avec le Papa Poydenot. Ces historiques canots font alors partie de la célèbre flotille des « Choses ».
Hélas, dans les années 70, il est abandonné dans une vasière de Fouesnant.
Sauvé et rapatrié à Cayeux par Henri Duthoit, de l'association « Les Pompons rouges », il est complètement restauré : 5000 heures de travail ! Il a fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques le 21 mai 1992...


le benoit champy

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