La silhouette et le photographe : un débouché pour les photographes du début du XX° siècle
Quand M. Dumelié m’a demandé un article sur la Silhouette pour le bulletin de l’Association, l’idée m’est venue d’une réponse que j’ai reçue de Fernand Poyet,
le fils de Jean Poyet, notre photographe d’Epernay, à qui j’avais envoyé cette carte de vœux en 1992.

                               carte voeux jacques Damiens

J’ai toujours fréquenté Monsieur Fernand, comme on l’appelait. Après avoir quitté Epernay où il a travaillé quelques années avec son père, il a ouvert 
deux magasins de photo à Cannes et St Raphaël. Il est décédé en 1998, aveugle à l’âge de 96 ans. Jean Poyet, son père, était mort en 1956 à 86 ans, 
toujours au travail. La photo conserve, tant mieux pour moi né en 1929.
Recevant cette carte, donc, il m’a répondu en m’informant que son père, en 1890, réalisait des silhouettes grandeur nature, pour un théâtre d’ombres…

                              jacques damiens

                            docteur lavater

                                                          Machine à silhouettes conçue à la fin du XVIII° s par le Dr Lavater
           Parlons donc de silhouette…


C’est en compagnie de la très belle Madame de Pompadour que je vous invite à un voyage qui nous permettra de remonter dans le temps.
En fermant les yeux, nous allons plonger dans le passé, sous le règne de Louis XV.
Vous êtes surpris ? Que viennent faire Mme de Pompadour et Louis XV dans une affaire de photographes ? Un peu de patience… Suivez mon récit…
«  Cette agréable personne usa de l’influence de ses charmes auprès de notre roi pour lui suggérer de s’allier les services de Monsieur Etienne de Silhouette 
au contrôle général des finances. Ce dernier, né à Limoges en 1709 fut donc appelé en mars 1759 auprès du Roi dans le but de remettre de l’ordre dans les 
finances publiques. Il entreprit avec courage d’assumer sa fonction au mieux.
La méthode qu’il appliquait tendait à réduire les pensions et à soumettre les terres des nobles à des subventions territoriales, autrement dit des impôts.
Les privilégiés réagirent bien entendu, et violemment, en lançant une campagne de dénigrement, baptisant de « silhouette » tout habit sans gousset,
toute culotte sans poche, enfin tout ce qui était rogné, amoindri, appauvri, tournant ainsi en dérision les économies du Ministre…
Pauvre Etienne de Silhouette.
 Ainsi donc naquirent les « portraits à la Silhouette » minimalistes, fait de noir et blanc qui dans la deuxième moitié du 19° siècle connurent un succès considérable ! »

                                jacques damiens

Dans le feu de l’action, j’ai complètement oublié que nous sommes déjà en 2007, et ce sans me présenter. Vous avez compris que je suis photographe, depuis 1944,
année de mon entrée comme apprenti chez Jean Poyet . Puis j’ai été photographe à Douai, Grenoble et Valence pour me trouver en Ardèche pour une retraite de photographe,
mais pas en retraite de la photographie. Je n’ai jamais travaillé, j’ai fait de la photo, mais nous en reparlerons. Je retourne à mon numérique !!! Je vais faire une silhouette pour
le prochain numéro…
Jacques Damiens 07440 Champis

J acques Damiens nous a quittés

Son fils, Bruno, retrouvant la trace de son travail pour notre association, sous la forme de plusieurs articles écrits dans notre bulletin, a eu la gentillesse de m’informer 
de ce décès et de me faire parvenir cette photo de notre ami, ainsi que l’épitaphe écrite par ses deux petits fils.
jacques Damiens

L’épitaphe des petits-fils à leur grand-père :

« Papi, tu es né le 30 avril 1929 à Epernay dans la Marne. A partir de 14 ans , tu as appris le métier qui te tiendra à coeur toute ta vie, photographe portraitiste. Cette passion qui a débuté dans le grenier du café de ta Maman, à Dizy, guidera ta vie tout comme la rencontre avec Mammie. Tu l’épouseras le 28 août 1950 à Epernay et seul son décès il y a sept ans maintenant vous aura séparés.

D’Epernay, vous êtes partis à Douai dans le nord, où Papa est né en 1959.

Puis ton travail vous a conduits à Grenoble et à Valence. En 1972, vous êtes venus à Rotisson, c’est dans cette maison que tu a rénovée que nous habitons. Après le mariage de Papa et Maman en 1993, vous avez eu la joie de nous voir arriver et grandir près de vous.

Nos maisons voisines nous ont permis de vous voir tous les jours. La longue maladie de Mammie nous avait préparés à son départ, contrairement à toi qui a été malade 48 heures et qui est parti si brusquement.

Aujourd’hui, on t’accompagne pour que tu ailles rejoindre Mammie et pour que vous nous regardiez finir de grandir. »


C’est lui qui avait pris contact avec moi, venant régulièrement visiter des parents à Dizy, et il me disait en riant que bientôt, plus grand monde dans son entourage étant encore vivant, 
il n’aurait plus l’occasion de venir en Champagne... Il a très vite adhéré à notre association très heureux du travail effectué sur le studio de son ancien patron et maître d’apprentissage...
Il ne cachait pas que Jean Poyet (c’était déjà un vieux Monsieur de 72 ans en 1943) ne transmettait son savoir-faire qu’au compte goutte, plus préoccupé de rentabiliser ses apprentis
que d’en faire de potentiels concurrents...
C’était un homme joyeux, passionné qui nous a fait profiter de son érudition à travers un article sur St Véronique, la patronne des photographes, un autre sur la silhouette,
pratique fréquente des photographes du 19° siècle, un autre sur l’oncle de Jean Poyet, Louis, grand dessinateur et graveur du XIX° siècle, au service entre autres de Gustave Eiffel.
Il était entré en apprentissage chez Jean Poyet en 1943, et était rapidement devenu ami avec Fernand, le fils de Jean Poyet. Tous deux étaient pilotes amateurs chevronnés...
Quand Fernand a quitté son père pour s’installer à Cannes, puis à St Raphaël, il a bien essayé d’entraîner Jacques Damiens avec lui, mais Jean Poyet s’y est opposé...
En 1960, après son décès en 1956, sa femme et sa fille Marguerite auraient bien aimé qu’il prenne la suite, mais il y a renoncé...
Il me racontait que de 57 à 60, Marguerite l’appelait au secours à la période des communions qui restaient un moment important pour un studio de photographe...
Il a travaillé pour différents photographes n’osant jamais se mettre à son compte...
Il est resté en relations assez étroites avec Fernand Poyet, jusqu’au décès de celui-ci en 1998 à plus de 95 ans.
Nous garderons de Jacques Damiens un souvenir ensoleillé...
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